Petit condensé sur la Théorie de l’attachement.

La théorie de l’attachement nous permet de percevoir et comprendre l’importance et l’impact des besoins émotionnels du bébé puis de l’enfant. Au-delà des besoins vitaux primaires tels que boire, manger, dormir, elle met à jour l’indispensable besoin d’attachement émotionnel (l’Amour) pour le bon équilibre et le bon développement psychique du tout petit et de son évolution dans l’âge.

Dès sa naissance, un bébé, du fait de sa vulnérabilité, doit de façon innée, susciter et bénéficier de la protection indispensable à sa survie. Sans cette protection, l’espèce ne pourrait pas se perpétuer et la nature étant bien faite, un tout petit nait avec les outils nécessaires dans son comportement pour se faire comprendre et susciter l’attention de l’adulte présent (la mère le plus souvent) et ainsi répondre à ses besoins essentiels de protection, de soin et se sentir sécurisé.

Freud fit du sein nourricier de la mère le premier objet d’attachement. Mais en 1958, Mr et Mme Harlow (éthologue – primatologues) montent une expérience avec des bébés primates séparés de leur mère :

  • D’un côté une mère en fil de fer avec un biberon,
  • de l’autre une mère en fil de fer avec un habillage en feutre,
  • et un stresseur (ours mécanique).

Lors du déclenchement du stresseur, le bébé singe se réfugiera toujours sur le leurre en feutre, celui qui ne nourrit pas. C’est seulement une fois sécurisé qu’il aura le courage d’aller se nourrir sur le biberon du leurre en fil de fer. La thèse de l’attachement liée à la nourriture est alors remise en question !

La même année, John Bowbly (pédopsychiatre et psychanalyste anglais) se distinguera en orientant ses réflexions vers les travaux des éthologues, en plein développement à cette époque, et particulièrement ceux de Lorenz (1935) puis des Harlow.  Il partira de l’idée que le besoin d’attachement est inné et aussi fondamental que le comportement alimentaire ou le comportement sexuel. Pour lui, le nourrisson et le jeune enfant doit partager une relation de tendresse, intime et continue avec sa mère (ou un substitut maternel permanent). L’absence de ce type de relation pourrait conduire à des dommages considérables sur la santé psychique de l’enfant. La thèse, issue de la psychanalyse, selon laquelle le bébé s’attache à sa mère par l’allaitement sera ainsi définitivement révisée. L’attachement se réfère alors au lien émotionnel spécifique que le bébé va développer avec ses figures d’attachement pendant les premières années de sa vie.

Le rôle de la figure d’attachement (nommé caregiver dans la théorie de l’attachement, celui qui donne les soins) est de répondre aux demandes du bébé, de le sécuriser et de lui apporter contact corporel, tendresse et amour. La proximité physique et la disponibilité émotionnelle du caregiver sont des facteurs critiques de la qualité du caregiving. De la deuxième enfance à la vie adulte, le fait de savoir que le caregiver est potentiellement disponible devient progressivement aussi importante et efficace que sa présence physique.

Dans les années 70, Mary Ainsworth, psychologue canadienne qui travailla également avec Bowbly, donnera à la théorie de l’attachement une suite expérimentale majeure et une légitimité internationale. Lors d’expériences qu’elle appellera « situations étranges », elle observera l’impact et l’importance de l’attachement sur les jeunes enfants. Il en ressortira plusieurs profils d’attachements :

L’attachement sécurisé :

Il se manifeste surtout lorsque la mère est facilement disponible et qu’elle réagit avec amour aux signaux de son enfant. L’enfant sait qu’il peut avoir confiance.

L’attachement résistant (insécure-ambivalent) : 

Il est souvent lié à la présence d’une mère qui apporte son secours dans certaines circonstances, mais pas dans d’autres. Ces enfants développent un grand manque de confiance.

L’attachement évitant (insécure-évitant) :

Il est favorisé lorsque la mère repousse systématiquement l’enfant lorsqu’il s’approche pour trouver du réconfort. Dans ce cas, l’enfant répond avec une angoisse intense à la séparation d’avec sa mère.

En 1986, Marie Main et J. Solomon vont ajouter un quatrième type d’attachement à ceux établis par Marie Ainsworth.

L’attachement désorganisé :

Ce type d’attachement est associée à des comportements parentaux très perturbés et terrifiants pour les enfants qui vivent en situation de stress. Dans ces conditions, la figure d’attachement peut générer la peur et l’appréhension, mettant l’enfant dans une situation de conflit insoluble, puisque la source d’apaisement est aussi la source de la peur. L’enfant ne peut simultanément rechercher et fuir sa figure d’attachement.

Mary Main, Carol George et Nancy Kaplan seront à l’origine d’un autre développement majeur de la théorie de l’attachement avec la création de l’AAI (Adult Attachement Interview). Cet outil va permettre jusqu’à aujourd’hui d’identifier les profils d’attachements « sécure », « insécure » ou « désorganisée » auprès des « consultants ».

Encore aujourd’hui, la théorie de l’attachement est le pilier (nécessitant les nuances indispensables du cas par cas) sur lequel se construisent de nombreuses études en psychologie et elle gagne en crédibilité en Europe malgré les réticences qui lui ont été opposées. Le Canada et les Etats Unis en sont les précurseurs et ont de fait de l’avance sur les recherches et la mise en pratique dans l’analyse psychologique.
Je reviendrais plus tard sur cette théorie qui nous éclaire sur bien des points dans nos relations à l’autre et comment nous tissons des liens tout au long de notre vie, d’enfant et d’adulte.

© Illustration par Rébecca Dautremer