L’adolescence : s’attacher et se détacher, partir et revenir, quitter et retrouver !

L’enfance ressemble à un château fort, dans lequel, dans la plupart des situations, l’enfant se sent au chaud et à l’abri. Il y fait le plein de sensations rassurantes qui vont lui permettre de se sentir plus fort, plus sécurisé. Cependant, au-delà des douves du château, il y a le Monde ! L’un des rôles des parents (ou figures d’attachement) sera de devenir ce pont-levis qui permettra à cet enfant grandissant de sortir du château, d’aller explorer ce qui se passe dehors. Ils vont le préparer à s’ouvrir et à partir à l’aventure hors de son abri.

La plupart des adolescents s’adaptent avec succès aux changements physiques, cognitifs et sociaux. Mais cette adaptation entraîne un mélange d’excitation et d’anxiété qui génère un sentiment d’insécurité. Les adolescents ont de plus en plus recours à une régulation interne des émotions, dans laquelle les modèles servant de références, (Modèles Internes Opérants : MOI) construits pendant l’enfance, jouent un rôle déterminant. À ces modèles qui œuvrent depuis l’enfance vont s’ajouter les relations d’attachement avec les pairs. Il n’en reste pas moins que les parents vont continuer à jouer un rôle important, la sécurité de l’attachement sera fondamentale pour aider l’adolescent à surmonter les défis de ces années mouvantes.

Lorsque l’enfance a permis la construction du lien sécure

Selon les études et observations menées ces 30 dernières années sur la théorie de l’attachement chez l’adolescent, il en ressort que la sécurité de l’attachement est associée à un équilibre entre autonomie et maintien de la qualité des échanges avec les parents ainsi que l’entourage. Cette sécurité permet de se détacher de la mère tout en maintenant le besoin de soutien et l’équilibre de la relation. L’adolescent sécure est capable de discuter de manière plus constructive sur des sujets difficiles, tempèrent les moments conflictuels avec les parents et a une bonne capacité de régulation des émotions lors de ces situations.

Du point de vue de l’entourage (amis, professeurs…), les adolescents sécures apparaissent plus forts psychologiquement, moins anxieux et moins hostiles que les insécures.
Les relations avec les partenaires amoureux sont le plus souvent positives et, concernant le comportement sexuel, l’adolescent(e) sécure attend souvent un âge plus avancé que les adolescents insécures pour avoir leurs premières relations sexuelles. Ils ont moins de partenaires et ont plus fréquemment recours à la contraception.
La sécurité de l’attachement a été reliée à des compétences sociales plus larges : intégration dans le groupe, acceptation sociale (parfois popularité), réseau amical.

Et si l’enfance n’avait pas permis de construire ce lien sécure ?

L’étude de Rosenstein et Horowitz en 1996 a permis de relever des prédispositions à l’adolescence de manifestations psychopathologiques, en fonction du style d’attachement. En effet, les adolescents insécures détachés ou évitants développeraient plutôt un trouble des conduites alors que les insécures préoccupés ou anxieux tendraient vers des troubles de type affectif.

L’insécurité des liens d’attachement n’est pas un trouble en soi, mais elle s’accompagne d’une mauvaise image de soi, d’une incertitude quant à la capacité d’être aimé, de sentiments de peur et/ou de colère, dont l’intensité peut déborder et dépasser cet adulte en devenir. Il risque alors d’avoir recours à des stratégies défensives, qui le rendent plus vulnérable à la souffrance psychologique et aux troubles du comportement.

L’attachement de type détaché

Il prédisposerait les adolescents à des troubles dits « externalisés ». Leurs stratégies tendent à minimiser les besoins d’attachement, limiter l’expression des affects de colère et de tristesse, détourner l’attention du soi et de ses angoisses, sans résolution des conflits internes et des représentations négatives (vécu d’abandon, peur de la perte, autodépréciation). Ils sont susceptibles de développer des troubles des conduites : troubles des conduites alimentaires, conduites addictives, formes hostiles de dépression, formes externalisées de troubles anxieux (symptômes phobiques par exemple), troubles de la personnalité de type personnalité antisociale.

L’attachement de type préoccupé

Les adolescents qui ont un style d’attachement « préoccupé » sont concentrés sur leurs besoins d’attachement, leur sentiment d’insécurité et souvent débordés par leurs affects. Ils sont plus à risque de développer des troubles « internalisés » : ils expriment leur anxiété, ressassent les problèmes et font preuve d’avidité relationnelle. Ils alternent attitudes dépendantes et mouvements de colère. Focalisés sur leurs blessures et leurs émotions, ils passent d’un excès d’autocritique à des récriminations vis-à-vis des autres.

L’attachement de type évitant

Les adolescents « évitants » ont réprimé depuis longtemps leurs besoins d’attachement et se présentent comme totalement autosuffisants. Ils minimisent leurs problèmes et font des efforts pour éviter d’évoquer les émotions négatives (peur, colère). Les déceptions, les blessures, les sentiments de solitude sont niés ou banalisés.

Les liens d’attachement revisités pour vivre Sa vie !

Après cette liste simplifiée et quelque peu inqiétante, on aurait tort de croire, que, dans ces conditions, tout est joué dès les premières années : certes, ce qu’elles ont imprimé en nous ne cesse de résonner dans ce que nous devenons mais, au fil des événements, de ce que nous entreprenons, de nos rencontres, nous avons l’occasion de moduler, de remanier, parfois spectaculairement, ces données initiales, au point d’en tirer des ressources insoupçonnées. Résilience, sublimation, périodes de repliement ou de réalisation, notre existence est tissée de remises en jeu, et c’est la vie même.

Même si le Monde n’est pas sans danger, il est toujours fait de belles surprises, d’expériences et de tout ce qui va composer la vie. Parmi tout cela, l’adolescent va découvrir comment se lier et se séparer, s’attacher et se détacher, partir et revenir, quitter et retrouver. Cette nécessité vitale pour l’Homme bercera tout son chemin de vie. L’adolescence se caractérise donc par ce fort besoin d’autonomie, indispensable à l’exploration du Monde. C’est donc le moment où les relations avec les figures d’attachement principales vont être remaniées.

Tous les parents du monde devraient rêver que leur enfant devienne un jour un navigateur solitaire, signe qu’ils ont tenu leur rôle, avec suffisamment de bienveillance et de distance pour l’aider à trouver le chemin de l’indépendance. Aimer son enfant, c’est l’aider à trouver l’estime de soi nécessaire pour qu’il nous quitte dès qu’il se sentira prêt. Aimer son enfant, c’est l’aider à se détacher !